Antoine m'a vendu son destin - Sony chez les chiens // Sony Labou Tansi - Dieudonné Niangouna // La Colline 2017

Antoine m’a vendu son destin – Sony chez les chiens // Sony Labou Tansi – Dieudonné Niangouna // La Colline 2017

Un spectacle de Dieudonné Niangouna au Théâtre National de la Colline // Première le 14 fev 2017 à Annecy & le 21 fev 2017 à Paris // Textes Antoine m’a vendu son destin de Sony Labou Tansi  & Sony chez les chiens de Dieudonné Niangouna // Avec Diarietou Keita, Dieudonné Niangouna // Collaboratrice artistique Laetitia Ajanohun // Dramaturgie Hermine Yollo // Scénographie Jean-Christophe Lanquetin // Son Pierre-Jean Rigal dit Pidj // Lumières Laurent Vergnaud // Costumes Alvie Bitémo

Scénographie ? Sortir des cadres, géométries et habitudes stables du regard. De la convention de l’espace scénique comme milieu esthétique. Cesser d’[ab]user du vide de la boite noire. Radicaliser en ‘brouillant’ la position du spectateur, non frontale mais surtout asymétrique. Et puis, une série dense d’énigmes. La plus intrigante, un bloc – éclat, mobile au centre d’une aire de jeu tri-frontale et en biais. Opaque ? transparent ? Qu’il échappe aux codes de l’écriture ‘cohérente’, qu’il accumule à vue et aussi dans le secret d’une forêt une multitude de bribes, d’objets, de visions, de restes, de gestes, contradictoires. Pousser autant que possible vers un éclatement. Résister à la satisfaction esthétique de la cohérence visuelle contemplée à distance. Résister à l’idée d’un objet scénique non poreux avec le complexe, l’opaque, le fragmentaire qui nous entourent, à l’idée d’un objet esthétique lisible, qui dit, énonce comme un bloc irradiant et entier. Alors ! Inventer des espaces à trous, qui fuient et échappent, qui…, même si nous sommes dans cette bonne vieille boite scénique qui sépare et protège des bruits du dehors, qui se croit caisse de résonance. Eh bien, quand même, que ça rentre par tous les interstices du plancher, et du spectacle.

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Scenography? Getting out of the frames, geometries and stable habits of the gaze. On the convention of the scenic space as an aesthetic environment. Stop [over]using the vacuum of the black box. Radicalize by ‘blurring’ the viewer’s position, not frontal but above all asymmetrical. And then, a dense series of puzzles. The most intriguing, a block – splinter, movable in the center of a tri-frontal performance area and angled. Opaque? transparent? That he escapes the codes of ‘coherent’ writing, that he accumulates the sight and also in the secret of a forest a multitude of scraps, objects, visions, remains, gestures. Push as much as possible towards a burst. Resist the aesthetic satisfaction of visual coherence contemplated from a distance. Resist the idea of ​​a scenic object non-porous with the complex, the opaque, the fragmentary that surrounds us, the idea of ​​a readable aesthetic object, which says, states like an irradiating and entire block. Then ! Invent spaces with holes, which flee and escape, which…, even if we are in this good old scenic box which separates and protects from outside noises, which believes itself to be a sounding board. Well, all the same, let it go in through all the interstices of the floor, and of the spectacle.

 Recherches sur le fétiche // Researches on the fetish

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Le dispositif scénographique // The scenographic device

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Dessins et textes de Dieudonné Niangouna autour de la dramaturgie et de l’espace d’Antoine // Drawings and texts by Dieudonné Niangouna around the dramaturgy and the space for Antoine :

1. Antoine est un fétiche à clous.
Nkissi Nkondi dans la cosmogonie Kongo symbolise la justice. Chaque clou représente un chef d’accusation ou une sorcellerie arrachée, muselée dans la statuette. Chaque clou correspond à un problème. Lorsque l’objet en est couvert, comme Antoine ici chez les chiens, cela signifie qu’il a été très efficace! Le Nkissi Nkondi peut avoir une forme humaine ou celle d’un chien. L’attitude du chien révèle son esprit quêteur, tout à fait comme Diogène. Cette attitude permet que tout ses sens soient en éveil : ses yeux en porcelaine sont grands ouverts, sa gueule est ouverte et sa langue pendante! Le chien  » Réveille » ainsi l’esprit du Nkissi, le Nkondi, qui se met alors en marche pour démasquer, poursuivre et punir les coupables afin de rétablir l’ordre.

Antoine qui nous a vendu son destin par le biais de Riforoni, Sony qui arrive chez les chiens et refuse de se mettre à quatre pattes en inventant la bêtise de se prendre au sérieux, et Dido qui se met à enfoncer le clou dans la plaie… Les faits sont là : les clous accusant les coups accusant les faits exprimant le crime, la plaie et l’irréparable dans la chair du bois et dans l’esprit atteint, le doigt qui indexe le mal, la sagaie qui éventre le mal, la main tendue et le bras levé, en digne fils de la colère, pour agiter la fausse commune et la tendresse du pourrissement, le Nkondi désigne, nomme et met à nu : « SOMMES-NOUS SORTIS DU MONDE, RIFORONI? » Les coups portant des clous, la martyrisation du peuple à travers le visage cicatrisé, la noblesse même de cette douleur par des scarifications, la force en somme sujette à une transe mortelle. Le visage parle.

La vision de l’Homme, et ce qu’a vu le chien et qui lui est resté sous le cœur au pays des Hommes.  » CE QUE LE CHIEN A VU DANS LA RUE MBAKA » : Œil de lumière sillonne la mort pour en être le témoin chez les vivants, il est l’avertisseur de la tragédie, celui qui a vu le diable dans la nuit et qui a pour mission de ne pas crier sur les toits afin de ne pas éclater le village, mais d’inventer la fable qui convient pour le raconter. L’art est la distance. L’autre œil d’Antoine-le chien nous tient en confiance, nous qui sommes encore au pays des vivants, et c’est bien là qu’Antoine nous ressemble. Nous le regardons comme un humain, c’est-à-dire comme nous avons regardé Sony du jour où il est arrivé chez nous. Avec son casque d’aviateur traditionnel qui lui permet de voler entre le jour et la nuit, de survoler la vie et la mort.

La queue du chien est cet autre qui suit l’Homme. La fabrication desanimalisée de l’Homme pour l’Homme, le nègre de l’autre, l’autre de l’Homme, son égale spirituel et son frère dans la douleur. Cet aboiement qui crie à la violence : ÇA SUFFIT! Celui qui exige des comptes à l’histoire. Comme dit Sony  » le VOYOU-VA-NU-PIEDS-DE-LA-RACE-HUMAINE ».

Et le miroir sur le ventre du Nkissi Nkondi. OUI. Car ici l’Homme porte trois nombrils sur son ventre, trois nombrils aussi gros que des mandarines, dans un alignement vertical du plexus au bas ventre. Ce sont les trois esprits : la naissance ( en rouge) représentant la filiation maternelle, le travail qui est la relation à la terre et à l’eau et dont les couleurs varient selon les saisons entre le gris sombre et le vert ocre et enfin la relation aux esprits qui est la mort représenté en noir et blanc. Si l’on retire ses trois boutons l’Homme sort du ventre. Le miroir se porte sur le ventre qui en toute légitimité est le pouvoir. Car l’Homme vient du VENTRE!

Antoine est un fétiche National de l’ordre de Martilimi Lopez et de Wallante National. Ici il joue avec son égal : les chiens. Seul être habileté à le juger dans un infernal procès fait à Sony par les siens! Pardon! Les chiens!

2. Un miroir pour Antoine
Double face et qui s’allume
Un miroir électrique, lumineux, un miroir projecteur qui éclaire cette GUEULE-DIEU-D’ANTOINE…
Antoine est mis au défit par son propre visage qui se défigure, se change, se zombifie, se momifie… Et la lumière effarante sur ce visage. Antoine le redécouvre sans cesse avec son miroir qui ne saurait être magique. Antoine observe sa mort. Il sait qu’il va bientôt mourir puisqu’il n’est que déjà trop mort. Antoine surveille les étapes de sa mort. Antoine régit sa mort, la met en scène, la dirige et nous la joue en directe… Le miroir des politiques africaines qui joue salement son double des corruptions occidentales…
Cette pièce pensée et écrite à retardement est jouée en différée…
La bombe n’explosera pas!
Le tic-tac qu’on entend est un écho. Même le futur aussi était déjà passé…

3. Jour J-1 pour Antoine
1-Où on apprend que le je ne sort pas du jeu : L’acteur enfermé en lui-même, libéré par la scène, et la scène enfermée dans le théâtre:
Le je ne sort pas du jeu.
2-Points éclairés de l’acteur : mouvement et précision : des ronds dans des carrés et des carrés dans des ronds, des ronds dans des ronds…

Dieudonné Niangouna