Dzzz // un projet avec Nastio Mosquito // 2009

Dzzz // un projet avec Nastio Mosquito // 2009

Un projet de concer(p)t performance live et vidéo, multi-focal (2009).

Travail à l’endroit de l’adresse directe au public telle que Nastio la pratique. J’ai interrompu cela. Nastio parle de la (relative) « violence » de ses adresses au public (qui m’avaient frappé). Il s’agit d’interroger les gens, de les bousculer. Il s’agit d’enjeux liés au passé colonial, aux avatars du racisme. C’est probablement une manière de jouer, ou déjouer, le fait qu’il est sur scène, lui performer venant d’Angola, qu’il est regardé, de déjouer ce que le dispositif scénique, le rapport scène salle (frontal) peut contenir. D’INTERROGER CE QUE LES SPECTATEURS REGARDENT, la position de voyeur à distance inscrite dans la position frontale.

Déplacer les directions du regard : Nastio regarde latéralement un écran ou l’on voit public, filmé. Le public, lui, regarde frontalement la scène, mais au lieu de voir Nastio, il voit un écran, une image de Nastio, filmé depuis la place du public virtuel. Nastio est juste derrière l’écran, il regarde vers la gauche (par rapport au public réel) le public virtuel, qui est image en direct du public réel. Le spectateur se voit regardant Nastio. Par moments Nastio apparaît en vrai, il sort de derrière l’écran, le public réel le voit. Mais il continue à performer pour le public virtuel et ne regarde pas le public réel.

Je me suis souvenu de l’expérience scénographique du Zucco créé à Kinshasa. A Kin, le public et les acteurs venaient de la même ville, il n’y avait pas de distance géographique, le contexte était le même. Les gens voyaient sur la scène quelque chose de familier, qui ressemblait à la rue, dehors. L’orchestre était sous l’écran au lointain. Mais lorsque nous avons joué à Paris, nous nous sommes vus reprocher le fait que le public blanc regardait les acteurs noirs, et que cela avait quelque chose « d’obscène ». J’ai mis du temps à comprendre. En fait, nous ne regardions pas tous ensemble dans la même direction, contrairement à Kin. Le dispositif, déplacé géographiquement, avait acquis une dimension de voyeurisme qui renvoyait au passé colonial. La mémoire de l’histoire s’était glissé dans nos points de vue. Le face à face ici était devenu difficile, il racontait une toute autre distance.

C’est sur cela que j’ai travaillé dans le projet avec Nastio. Il y a quelque chose de difficile, de violent en tout cas, même si c’est une violence sous jacente, dans la frontalité lorsque elle croise la mémoire coloniale, la mémoire des points de vue au temps colonial (c’est par exemple la mémoire du dispositif des zoos humains). On voit, on fait expérience à partir de là où l’on est. Et cela ne disparaît pas lorsqu’on est au théâtre ou à un concert. C’est je pense pour cela qu’il est si difficile d’emmener certains publics dans certains lieux. Leur point de vue, l’à partir d’où ils regardent entre en conflit avec le lieu où ils sont.

Nastio m’avait donné des indications : en mars09 lorsque nous avions échangé à Johannesburg, il avait insisté sur certains de mes travaux qui fonctionnent avec des renvois de regard (Shift/Center). Et la seule demande qu’il m’a faite alors, c’est d’être « virtuel », une demande d’invisibilité. « Je ne veux pas que les spectateurs me voient » m’a t’il dit. J’ai alors proposé de travailler sur une manière de rendre virtuelle sa présence physique, que le spectateur puisse le voir, qu’il soit présent (je pense qu’on ne peut pas faire disparaître cette dimension de présence physique qui est le propre de la scène), mais qu’en fait il ait le sentiment qu’il est virtuel. J’ai parlé pour cela d’un équilibre des températures et intensités de lumière, une continuité visuelle entre les écrans sur scène et l’espace physique. Manière de créer un seul ensemble visuel en travaillant sur des fluos gradués ou des leds, qui s’ajustent avec l’intensité et la dominante couleur des écrans.

Dans les dessins préparatoires, il y a une série d’intuitions sur l’espace, de jeu avec des cadres vides, qui mettent les musiciens de N dans une position similaire à celle d’une image, mais aussi des « passages », entre les écrans (Nastio bouge beaucoup sur scène)  – car au delà du principe simple décrit plus haut, il y a d’autres écrans, selon les versions du projet on peut démultiplier le principe – et par ailleurs il faut pouvoir projeter les films réalisés par Nastio et ses amis, qui mettent en scène, en images et en espace les questions relatives au projet.

Le projet réalisé en 2015 à l’ICA Londres, se situe dans la continuité de ces questionnements.

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A project for a multi focused performance/concert by Nastio Mosquito. The project stages a relation between Nastio’s presence and a series of video and live images. The main principle is Nastio is on stage, but mostly invisible behind a screen where his image appears. Other screens stage his presence too, the audience, and videos (each song is articulated with a video by Vic Pereiro). Nastio walks in between and appears furtively. A way to play with the notion of stage, and Nastio’s very direct and strong presence.