![Une scène dans la vasière // Avec Hamza Lenoir & Le Royaume des Fleurs // Mayotte 2023-24 // [En cours]](http://jiceehell.net/wp-content/uploads/2022/09/DSC05806w-640x360.jpg)
Une scène dans la vasière // Avec Hamza Lenoir & Le Royaume des Fleurs // Mayotte 2023-24 // [En cours]
Un projet d’artiste à dimension collective, dans la vasière des Badamiers à Mayotte [Petite Terre] dans le cadre d’une collaboration au long cours avec le Royaume des Fleurs [Djodjo Kazadi & Marie Sawiat] // Avec Hamza Lenoir [dramaturgie, écriture et ateliers] & les artistes du Royaume des Fleurs // Projet soutenu par le Royaume des Fleurs [artiste associé], la Direction des Affaires Culturelles de Mayotte – l’Office Français de la Diversité / Parc Naturel Marin de Mayotte – Le Conservatoire du Littoral – La Haute Ecole des Arts du Rhin / Strasbourg // En cours, résidence prévue pour février – mars 2024. Résidences préparatoires en juillet & novembre 2023.
Construire une interface poïétique entre milieu naturel et milieu urbain dans et autour de la Vasière des Badamiers, un espace de contact entre tous les vivants, à résonance imaginaire. Un ensemble d’installations, de micro-espace[s] physique[s] et performatif[s] qui, faisant récit(s), interrogent la possibilité d’un monde habitable par les humains et les non humains et en cela le devenir d’un monde commun.
Je les appelle ‘scènes’.
A Mayotte, je m’intéresse aux relations qu’entretiennent les habitants de l’Ile [Petite Terre en particulier] avec un milieu vivant dont l’intensité et la beauté me touchent constamment. La Vasière des Badamiers est située juste derrière le Royaume des Fleurs, friche artistique où je travaille. C’est un milieu marin protégé, entre mer et terre, une interface. Mais ce qui frappe d’emblée, ce sont les frottements avec la ville qui se développe, les tensions qui en résultent, liés à la présence des hommes. Ce sont ces tensions que je souhaite interroger, dans un geste d’artiste, porteur aussi d’une dimension didactique.
Le projet se déroule à plusieurs niveaux simultanés :
1. Une recherche multi-facettes collective, visuelle, sonore, documentaire, à base de dialogues, récits et pratiques avec les habitants de Petite Terre, les artistes du Royaume des Fleurs, le Parc Marin, les associations qui travaillent sur le vivant dans la vasière, et une classe primaire dans une école de Pamandzi. Cela comprendra aussi une exploration photographique autour et dans la vasière. Certaines de ces propositions feront l’objet d’un ‘accrochage’ dans les espaces urbains de Petite Terre [Dzaoudzi, Pamandzi et la Vigie], manière d’interroger les habitants sur leur environnement.
2. Un lieu de rencontres et d’échanges dans le mois qui précèdera l’événement clôturant le projet. La mise à disposition d’un site, en bordure de la Vasière, appartenant au Conservatoire du Littoral, pour la construction des scènes, permettra aussi une série de rencontres, discussions, propositions artistiques, exposition, réalisés par les acteurs locaux. Une sorte de forum réflexif informel associant une large palette de paroles et de propositions.
3. Enfin, la construction d’une série de ‘scènes’, éphémères ou plus permanentes et leur activation sous la forme d’un événement, de performances, de récits portés par les personnes avec qui nous aurons travaillé. Ces ‘scènes’, de différentes échelles, construites en bambou, pourront rester à demeure, vivre leur vie au rythme de l’écosystème, accessibles [ou non] à ceux qui souhaitent s’en emparer, visibles en différents endroits autour et dans la vasière. Elles pourront être activées lors de nouveaux événements ou simplement s’effacer lentement.
J’utilise le terme ‘scène’ non pas au sens conventionnel et théâtral du terme mais comme un espace de prise de parole concret et poétique que les vivants présents dans la vasière et autour investissent, envahissent, habitent, creusent, performent de manière éphémère ou permanente : Il s’agit tout autant des poissons, des plantes, du vent, des oiseaux, des humains, de l’eau, des palétuviers, des herbiers… Enjeu intéressant puisque les vivants ne parlent pas, ce qui nous engage, nous humains, sur la manière dont leur présence peut être prise en compte. Je souhaite que ces ‘scènes’, disséminées autour et dans la vasière, génèrent de l’imaginaire, de l’attention, des questions concrètes chez les gens : comment y aller ? A plusieurs, seul ? N’importe quand, en fonction des marées ? A pied ou en bateau ? Sont-elles visibles, de près, de loin, ou quasiment indétectables ? Quelle est la nature de nos co-présences ? Doit-on, peut-on y faire quelque chose ? Intervenir ? Ou non. Sont-elles inaccessibles par moments pour préserver la tranquillité de l’écosystème ? Quelle appréhension avons-nous de ce milieu vivant ? Ces ‘scènes’ engagent une attention, un ensemble de questions sur les manières d’interagir avec le vivant, tous les corps/présences qui s’y déploient. En même temps cette interdépendance matérialisée est ludique, joyeuse, contemplative.
Ces ‘scènes’ n’auront pas l’aspect d’un plateau de théâtre : le palétuvier, son ‘architecture’ s’avère être une piste porteuse à la fois d’imaginaire, de potentiel constructif pour créer ces espaces, de déplacement de l’ancrage du corps, de la marche notamment. Je pense aussi à des chaises comme manière d’activer des points de vue.
Dans un moment de forte mutation du territoire urbain de Mayotte, la vasière est le témoin de la part muette mais pas silencieuse, car omniprésente, des dynamiques de vie sur l’ile. La mer, la lumière, le végétal, l’animal, au coeur de l’ordinaire, de la vie des gens depuis toujours, sont aujourd’hui fragiles et menacés par les mutations en cours, l’accélération du développement urbain, des constructions, les tensions migratoires. Le milieu naturel se fait réceptacle de ces tensions multiples car il est porteur de la diversité et de l’ancienneté des modes de vie. Il est le lieu de pratiques multiples, de respirations le plus souvent souterraines, discrètes, traditionnelles, mystiques, méditatives qui dans leur caractère furtif tentent sont des formes de résistances à la mutation accélérée de l’Ile. Le milieu vivant est un espace hors champ essentiel, auquel il convient de prêter grande attention.
Ce projet souhaite interroger aussi cela.
Mars 2023
Le site
La Vasière se situe sur l’Ile de Petite Terre à Mayotte, elle longe le boulevard des crabes, la route qui relie les villes de Pamandzi, Dzaoudzi, ainsi que l’aéroport de Mayotte, à la Barge et à la presqu’ile administrative de l’Etat Français. Son second coté longe la commune de Pamandzi, principale interface avec l’urbain. Enfin, la dernière interface est avec la mer, via une bande de pierre volcanique, et deux ouvertures qui font vases communiquants entre la mer et la Vasière, elle même tampon entre la mer et la ville. D’où sa grande singularité en tant que milieu vivant. Rappeler aussi la présence deux mornes, collines, dont une est encore aujourd’hui cultivée. Le site sur des cartes anciennes est mentionné comme étant Le village des Noirs. Enfin, le long de du boulevard des Crabes, on trouve le Royaume des Fleurs, friche artistique où je suis artiste associé, mais aussi les locaux du Parc Marin et le site du Conservatoire du Littoral qui accueillera le projet.